La Lune et le Retour de la Déesse

… n’en déplaise à Monsieur Descartes qui affirmait il y a quelque 400 ans que ‘La nature n’est pas une déesse’ ! Et qui poursuivait même en déclarant que ‘La nature est dénuée de tout dynamisme vital ou psychique parce que la vie n’est qu’un mécanisme’. Vraiment !?(1)

Depuis lors, ce dualisme inhérent à la ‘Révolution Scientifique’ du XVIIè siècle, qui séparait le corps et l’esprit, tout en jetant l’âme au panier, allait faire loi. L’homme devenait une machine que l’on pouvait disséquer pour en connaître tous les secrets. Poursuivant la voie inaugurée par le philosophe anglais Francis Bacon, l’un des fondateurs de la pensée moderne empirique et pragmatique, une nouvelle éthique qui encourageait le contrôle et l’exploitation de la nature au profit des êtres humains allait s’imposer.(2)

Même si dès le départ des réactions se profilaient déjà pour défendre une philosophie vitaliste – et holistique dirait-on aujourd’hui, qui insistait sur l’unité organique fondamentale de toute la Nature – celle de l’être humain y compris, où corps, esprit et âme ne font qu’un – nous devons cependant reconnaître que durant quatre siècles, le dualisme cartésien a gagné et a été synonyme de progrès. Jusqu’à présent, mais à quel prix ?!

Je vous invite donc à célébrer l’année nouvelle en faisant le point sur cette année exceptionnelle que nous quittons, remplie d’expériences à tous les niveaux, afin que chacune et chacun d’entre vous puisse en retirer un maximum d’informations positives pour éclairer la suite du Chemin. Il y a toujours du positif dans le négatif.

La conjonction de Jupiter et Saturne à 0° du Verseau qui a eu lieu le jour du Solstice d’Hiver – le 21 décembre dernier – fera l’objet de notre prochain message de la Pleine Lune du 28 janvier 2021. Non seulement elle symbolise le nouveau cycle Jupiter/Saturne en Verseau qui se renouvelle tous les 20 ans mais elle signe aussi un grand pas de plus dans l’ère du Verseau avec une grande bouffée d’Air bienvenue.

La reine incontestable de ce dernier message 2020 qui, je l’espère, rayonnera en vous et autour de vous, est notre déesse la Lune, aussi mystérieuse, changeante, complexe, qu’indispensable au bonheur de vivre en harmonie avec la nature – la nôtre et celle qui nous entoure. Une remise en contexte s’impose cependant pour saisir les enjeux qui nous attendent au niveau personnel.

De la Phase Patriarcale à la Phase Androgyne

La troisième des quatre phases du développement de la conscience dans l’évolution de l’humanité, la phase patriarcale solaire, monothéiste et volontariste allait exiger de nouvelles lois et règlements afin d’instituer une séparation nette entre ‘le bien’ et ‘le mal’. Le règne incontestable du Soleil signifiant ‘le bien’ c’est-à-dire la vie, l’esprit, la raison, le ciel et la masculinité, commandait au ciel et sur la terre, tandis que la Lune signifiant ‘le mal’, autrement dit la mort, le corps, l’instinct, la nature et la féminité allait se retrouver exilée aux enfers . (3)

Plus que jamais, la pandémie C-19 révèle les conséquences de cette volonté des hommes à vouloir asservir la nature à leur profit. Alors que la nature  nous fait savoir de manière de plus en plus diverses qu’elle atteint des limites qu’il nous faut finalement respecter si nous voulons éviter d’en arriver à constater ‘la Mort de la Nature’, on parle de faire la guerre au virus, comme si tuer le messager permettait d’ignorer le message ?! (2)

Le développement de l’ego solaire est indispensable pour tous les êtres humains – hommes et femmes, sans aucune discrimination. La période patriarcale qui représente le passage à la pensée mentale, après avoir intégrer la pensée magique puis la pensée mythologique pour donner sens à la vie et au monde, n’est pas le terminus du développement de la conscience pour accéder à la complémentarité que représente l’union de notre part féminine/lunaire avec notre part masculine/solaire.
La quatrième phase vers laquelle l’humanité tend déjà afin de survivre sur notre planète est la phase androgyne soli-lunaire. Celle-ci invite à considérer l’union des opposés, la complémentarité du féminin et du masculin, du yin et du yang, de la Lune et du Soleil, de l’instinct et de la raison si nous voulons vivre en respectant la Nature et notre nature individuelle.

Les mouvements féministes du siècle dernier ont certainement servi a mettre un frein à la dévaluation de la femme qui s’était largement propagée durant la période patriarcale et à permettre à la part solaire des femmes de s’exprimer. Cette période patriarcale solaire et masculine devait rejeter à tout prix la dimension magico-mythologique lunaire et féminine, jugée primitive, dangereuse et incontrôlable. La répression du ‘féminin’ chez les femmes autant que chez les hommes durant des millénaires a rendu caduque le mariage des opposés Soleil/Lune.
L’énergie mâle et l’énergie femelle représentent des forces archétypales qui se complètent. ‘Elles constituent différentes manières de se relier à la vie, au monde, et au sexe opposé. La répression de la féminité affecte donc la relation de l’humanité par rapport au cosmos tout autant que la relation des hommes et des femmes entre eux.’ (2 – Whitmont)
Si le ‘féminisme’ a servi à développer la part solaire/masculine/ volontariste des femmes et à leur permettre de l’exprimer haut et fort et d’agir en conséquence, a-t-il rendu toute sa valeur à la féminité, cette part lunaire/féminine/instinctive qui offre aux femmes comme aux hommes  de rétablir l’équilibre soli-lunaire indispensable à notre survie ? Le ‘mariage des opposés’ dont Jung nous instruit dans sa psychologie des profondeurs fait partie de la quatrième phase androgyne dans l’évolution de l’humanité et de l’individu.

On peut espérer que cette pause obligée de 2020 – cet arrêt sur image – aussi triste et désespérante soit-elle, encouragera une prise de conscience individuelle et collective pour soutenir le développement de la phase androgyne holistique : le mariage de la Lune et du Soleil, de la nature et de la culture, du yin et du yang dans la diversité et la complétude. Il y va de la survie de notre Terre-Mère et de l’humanité qu’elle nourrit.

Astrologie Lunaire : à la découverte de l’Inconscient

La plupart des personnes qui ne se sont jamais penchées sur le langage astrologique connaissent leur signe solaire et souvent aussi leur ascendant. Mais pratiquement aucune ne sait dans quel signe se trouvait la Lune à leur naissance. Cela en dit long sur l’importance accordée au Soleil, même si la Lune représente un véritable trésor à découvrir, car, comme nous l’enseigne Jung, ‘Dans la lutte entre le conscient et l’inconscient, c’est toujours l’inconscient qui gagne’.

Le conscient étant symbolisé par le Soleil alors que la Lune symbolise l’inconscient, une analyse approfondie de l’élément, du signe zodiacal, de la position dans l’une des 12 maisons, ainsi que des aspects qui relient la Lune natale aux différents acteurs de notre théâtre personnel, en dira long sur la manière instinctive – inconsciente aussi – avec laquelle nous réagirons face à la vie.
Découvrir durant laquelle des huit phases soli-lunaires nous sommes nés sert d’inspiration sur la manière dont nous pouvons naturellement contribuer à l’ épanouissement de notre humanité.(4) De même qu’ en agriculture, la biodynamie se base sur le cycle de la lunaison pour respecter les rythmes naturels de la Lune, du Soleil et de la Terre en démontrant, une fois de plus, que Nature et culture sont compatibles si l’on se donne la peine de les accorder plutôt que de les opposer comme ennemis mutuels.

‘Le Soleil est simple, la Lune est complexe’.* Même si sans le Soleil – l’Étoile de notre système solaire – la vie sur Terre n’existerait pas, et qu’il nous serait impossible de contempler la Lune qui, grâce à lui, illumine nos nuits, il est certain que la fascination exercée par le seul satellite de notre petite planète n’a cessé de nous émerveiller. Et même si l’homme a littéralement marché sur notre Lune – performance solaire héroïque s’il en est – l’observer apparaître, croître, être pleine, puis décroître pour enfin disparaître chaque mois, continue de nous sembler magique.

Au niveau individuel, la Lune indique ce dont nous avons besoin pour vivre alors que le Soleil indique ce que nous voulons. C’est au niveau du corps, dans un langage non-verbal que s’expriment le plus souvent ces besoins personnels à combler. En général, on peut se passer de ce qu’on veut mais il s’avère nettement plus dangereux de ne pas écouter, ni répondre à nos besoins profonds qu’ils soient physiques, psychologiques ou spirituels.
Considérée en tant qu’archétype de la Mère Universelle, la Lune représente le principe maternant. Elle nous invite à créer notre sanctuaire personnel où nous sommes à l’écoute de nos besoins comme une mère aimante est à l’écoute de son enfant. Le choix de nos relations intimes est dicté inconsciemment par notre part lunaire plus que par notre volonté solaire.

En 2020, nous avons eu l’occasion d’observer les réactions qu’une peur atavique de la mort a réveillé au niveau de l’inconscient personnel et collectif. L’angoisse, l’irrationalité, l’agressivité, l’hystérie collective entretenue par les médias et l’internet peuvent devenir ‘virales’. Elles représentent la part sombre, confuse et dangereuse de l’instinct lunaire.  La Lune représente aussi la foule où la contagion à tous les niveaux – physique, mental et spirituel – se propage plus facilement qu’entre individus isolés.

Les maladies psychosomatiques sont souvent liées à notre part lunaire, elles réclament notre attention en augmentant l’inconfort jusqu’à obliger notre part solaire d’arrêter d’agir à l’encontre de nos besoins lunaires, autrement dit, de ce qui nous tient à cœur ou de ce qui nourrit notre âme.
S’écouter, percevoir les messages du corps, avec ses diverses sonnettes d’alarme, tant qu’il est encore temps de changer représentent cette sagesse instinctive et réceptive typiquement lunaire et féminine.

Pour atteindre cet équilibre intérieur et extérieur – c’est-à-dire le mariage des forces opposées mais complémentaires que représentent notre déesse Lune et notre dieu Soleil – en bref, le Passé (élément Eau lunaire) et le Futur (élément Feu solaire), le féminin et le masculin, les désordres lunatiques dionysiaques et l’ordre solaire apollinien, la nature et la culture, etc. il reste indispensable de comprendre et d’intégrer les deux Luminaires du zodiaque qui brillent de manière unique en chacun de nous. (5)

Cheminant sur cette voie, souhaitons la bienvenue au retour de la Déesse !

Notes

(1) extrait du ‘Traité du Monde et de la Lumière’ écrit par Descartes en 1632, mais publié en 1664 et 1667, après sa mort. Descartes craignait d’être condamné pour hérésie par le Saint Office comme Galilée l’avait été le 22 juillet 1633…
Article de Michèle Crampe-Casnabet paru chez Persée en 1992 dans ‘L’idée de nature au XVIIe siècle’ – pp.15-24

(2) Les sources principales au niveau philosophique et psychologique qui m’ont permis de rédiger la partie culturelle et historique de cet article viennent de deux livres qui m’accompagnent depuis plus de 20 ans :
‘Return of the Goddess’ (dont j’ai emprunté le titre pour cet article) du Dr Edward C. Whitmont, (1912-1998) membre fondateur et directeur du ‘C.G. Jung Training Center of New York’ – Médecin homéopathe et psychothérapeute durant 50 ans. (pas de traduction française malheureusement)
Le deuxième livre est une somme de recherches de l’écoféministe Carolyn Merchant, Ph.D., professeur d’histoire de l’environnement, philosophie et éthique, à l’Université de Californie, Berkeley. Paru en 1980, son titre ‘The Death of Nature – Women, Ecology and the Scientific Revolution‘ est particulièrement éloquent et à propos en cette période de crise écologique mondiale.
(pas de traduction française )

(3) Pour un résumé décrivant les 4 phases de l’évolution de la conscience, et les sources de cette approche philosophique de la polarité du couple mythique primordial Soleil/Lune, lire p. 262 à 272 dans ‘Écriture Céleste’
Et pour un résumé sur ‘La Lune ou l’archétype de la Mère Universelle’ lire p.272 à 282
plus d’info sur ce livre via www.astrologiearchetypaleappliquee.com
*’Le Soleil est simple, la Lune est complexe’, citation d’ Aubrey Burl, Archéologue anglais, expert en mégalithes in ‘The Rites of the Gods’ (1981)

(4) lire p.303-307 dans Écriture Céleste pour le cycle des 8 phases de la lunaison

(5) ‘La Naissance de la Tragédie’ de Nietzsche reste un chef d’œuvre classique incontournable pour comprendre la danse soli/lunaire d’Apollon et de Dionysos.

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